Le compostage des déchets verts représente une solution écologique précieuse pour tout jardinier soucieux de l’environnement. Parmi ces déchets, la tonte de gazon constitue une ressource abondante, particulièrement pour les propriétaires de pelouses issues de gazon en rouleau. Cette pratique permet non seulement de réduire le volume de déchets envoyés en déchetterie, mais aussi de produire un amendement organique de qualité pour le jardin. Le gazon fraîchement tondu est riche en azote et en nutriments essentiels qui, correctement compostés, peuvent être réintroduits dans le cycle naturel du jardin pour nourrir le sol et les plantes.
Le gazon en rouleau, avec ses caractéristiques spécifiques de densité et de composition, présente des particularités qui influencent la façon dont ses déchets de tonte doivent être compostés. Contrairement aux idées reçues, ces déchets ne sont pas automatiquement plus difficiles à composter que ceux d’un gazon semé traditionnellement. Cependant, ils nécessitent une attention particulière pour éviter les problèmes courants comme la formation de masses compactes, les mauvaises odeurs ou une décomposition incomplète.
Pour transformer efficacement ces tontes en un compost de qualité, il est essentiel de comprendre les principes fondamentaux du processus de compostage et d’adapter les techniques en fonction des spécificités du gazon en rouleau. Cette transformation biologique requiert un équilibre précis entre différents facteurs tels que l’humidité, l’aération et le rapport entre matières azotées et carbonées.
Les principes fondamentaux du compostage des déchets de tonte
Composition et caractéristiques des déchets de tonte de gazon en rouleau
Les déchets de tonte provenant d’un gazon en rouleau présentent généralement une grande homogénéité et une forte teneur en eau, pouvant atteindre 80% de leur composition. Cette caractéristique est due à la sélection rigoureuse des variétés de graminées utilisées pour la production de gazon en plaques. Ces déchets sont extrêmement riches en azote, avec un rapport carbone/azote (C/N) généralement compris entre 15:1 et 20:1, ce qui en fait une matière « verte » par excellence dans le jargon du compostage.
Le gazon en rouleau est souvent composé d’espèces sélectionnées pour leur densité et leur résistance, comme le ray-grass anglais, le pâturin des prés ou la fétuque rouge. Ces variétés produisent une herbe plus fine et plus dense que certains gazons semés traditionnels, ce qui influence la texture des déchets de tonte. Cette densité peut paradoxalement compliquer le processus de compostage si des précautions particulières ne sont pas prises.
De plus, ces tontes contiennent une quantité significative d’éléments nutritifs essentiels pour les plantes : azote (N), phosphore (P) et potassium (K), ainsi que des oligo-éléments variés. Un kilogramme de tonte fraîche peut contenir jusqu’à 4 grammes d’azote, 0,5 gramme de phosphore et 2,5 grammes de potassium, ce qui en fait un matériau précieux pour enrichir le sol de votre jardin une fois transformé en compost.

Comparaison entre tonte de gazon semé et gazon en rouleau
La principale différence entre les déchets de tonte issus d’un gazon semé et ceux d’un gazon en rouleau réside dans leur homogénéité et leur densité. Le gazon en rouleau, cultivé dans des conditions contrôlées et composé d’un mélange précis de graminées, produit généralement des déchets plus uniformes en termes de taille et de composition. Cette uniformité peut être un avantage pour la régularité du compostage, mais peut aussi créer des zones de compaction si la matière n’est pas correctement mélangée avec d’autres éléments structurants.
En comparaison, un gazon semé traditionnellement présente souvent une biodiversité plus importante avec la présence potentielle d’autres espèces végétales (trèfle, pâquerettes, plantain…). Cette diversité peut contribuer à un équilibre naturel dans le compost, mais rend aussi sa composition moins prévisible. Les tontes de gazon semé contiennent parfois des graines d’adventices qui peuvent survivre au processus de compostage si celui-ci n’atteint pas des températures suffisamment élevées.
Par ailleurs, le gazon en rouleau a généralement bénéficié de soins particuliers lors de sa production (fertilisation contrôlée, traitements éventuels), ce qui peut légèrement influencer la composition chimique de ses déchets de tonte. Il est important de vérifier auprès du fournisseur si des traitements particuliers ont été appliqués qui pourraient affecter le processus de compostage ou la qualité du compost final.
L’équilibre azote/carbone pour un compost réussi
L’équilibre entre matières riches en azote (matières vertes) et matières riches en carbone (matières brunes) constitue le fondement d’un compostage réussi. Les déchets de tonte de gazon, qu’ils proviennent d’un gazon en rouleau ou semé, sont extrêmement riches en azote et relativement pauvres en carbone, avec un rapport C/N généralement compris entre 15:1 et 20:1. Or, pour un compostage optimal, le rapport C/N idéal se situe autour de 30:1.
Cette particularité explique pourquoi les tontes de gazon ne devraient jamais être compostées seules en grande quantité. Sans apport de matières carbonées complémentaires, elles ont tendance à se compacter, à fermenter de façon anaérobie (sans oxygène) et à produire des odeurs désagréables d’ammoniac ou d’œufs pourris. De plus, un excès d’azote favorise la multiplication rapide des micro-organismes qui consomment l’oxygène disponible, ce qui peut entraîner une surchauffe du compost et tuer la microfaune bénéfique.
Un compostage équilibré nécessite environ deux à trois volumes de matières carbonées pour un volume de tonte de gazon fraîche. Cet équilibre garantit une décomposition aérobie efficace sans odeurs désagréables.
Pour équilibrer vos déchets de tonte, vous pouvez utiliser diverses matières carbonées comme les feuilles mortes sèches, les brindilles broyées, la paille, les copeaux de bois non traités, ou encore du carton déchiqueté sans encre. Ces matériaux apportent non seulement du carbone, mais aussi une structure qui favorise la circulation de l’air, élément indispensable pour un processus de compostage aérobie efficace.
Les risques de fermentation et d’acidification
Sans précautions appropriées, les déchets de tonte de gazon en rouleau peuvent rapidement présenter des problèmes de fermentation et d’acidification du compost. Ces phénomènes sont principalement dus à trois facteurs : la forte teneur en eau des tontes fraîches, leur tendance à se compacter, et leur richesse en azote facilement dégradable.
Lorsque les tontes s’accumulent en couches épaisses, l’eau qu’elles contiennent ne peut s’évaporer correctement. L’absence d’oxygène qui en résulte favorise le développement de bactéries anaérobies, responsables de la fermentation. Ce processus produit des acides organiques qui abaissent le pH du compost, créant un environnement acide peu favorable aux organismes décomposeurs aérobies.
Les signes d’une fermentation problématique sont faciles à identifier : odeur désagréable (proche de celle du vinaigre ou des œufs pourris), aspect visqueux et collant de la matière, et présence de zones noirâtres dans le tas de compost. Si ces signes apparaissent, il est nécessaire d’intervenir rapidement en aérant le compost, en ajoutant des matériaux structurants secs, et éventuellement en incorporant un peu de chaux ou de cendre de bois pour corriger l’acidité.
La prévention reste toujours la meilleure stratégie face à ces risques. Éviter d’incorporer de grandes quantités de tontes fraîches en une seule fois, présécher les tontes avant de les ajouter au compost, et veiller à les mélanger systématiquement avec des matières carbonées sont des pratiques qui limitent considérablement les risques de fermentation et d’acidification.
Méthodes efficaces pour composter la tonte de gazon en rouleau
La technique du préséchage des tontes
Le préséchage constitue une étape préparatoire particulièrement efficace pour optimiser le compostage des tontes de gazon en rouleau. Cette technique simple consiste à laisser les déchets de tonte s’exposer à l’air et au soleil pendant 24 à 48 heures avant de les incorporer au composteur. Ce court délai permet de réduire significativement leur teneur en eau, qui peut passer de 80% à environ 60%, facilitant ainsi leur manipulation et leur intégration au compost.
Pour un préséchage efficace, étalez les tontes en couche mince (5 à 10 cm maximum) sur une surface plane exposée au soleil. L’idéal est de les disposer sur une bâche ou un grillage surélevé qui favorisera la circulation de l’air. Retournez-les une à deux fois pour assurer un séchage homogène. Vous remarquerez que leur volume diminue considérablement au cours du processus, ce qui facilite leur stockage temporaire si vous ne pouvez pas les composter immédiatement.
Le préséchage présente plusieurs avantages majeurs pour l’impact du gazon en rouleau sur la qualité d’air et le processus de compostage. Il réduit les risques de compaction et de fermentation anaérobie, diminue les odeurs potentielles, et facilite le mélange avec d’autres matériaux. De plus, cette étape permet d’éliminer une partie de l’eau qui, autrement, pourrait rendre le compost trop humide et asphyxiant pour les micro-organismes aérobies.
Toutefois, veillez à ne pas sécher complètement l’herbe, car une déshydratation excessive ralentirait le démarrage du processus de décomposition. L’objectif est d’obtenir une matière encore légèrement souple mais non collante, qui ne forme plus de masses compactes lorsqu’on la manipule.
L’ajout de matières structurantes et carbonées
Pour composter efficacement les tontes de gazon en rouleau, l’ajout de matières structurantes et carbonées est indispensable. Ces matériaux remplissent deux fonctions essentielles : ils apportent le carbone nécessaire à l’équilibre nutritionnel du compost et créent une structure aérée qui favorise la circulation de l’oxygène indispensable aux micro-organismes décomposeurs.
La proportion idéale consiste généralement à mélanger un volume de tontes de gazon (préséchées de préférence) avec deux à trois volumes de matières carbonées. Cette règle peut être adaptée en fonction de l’humidité initiale des tontes et des autres matériaux disponibles. L’objectif est d’obtenir un mélange qui reste aéré et qui ne s’affaisse pas excessivement sous son propre poids.
Feuilles mortes et broyat de branches
Les feuilles mortes constituent un excellent complément aux tontes de gazon en rouleau, avec un rapport C/N d’environ 60:1. Elles apportent non seulement du carbone, mais aussi des minéraux variés issus de la décomposition partielle qu’elles ont déjà subie. Pour une efficacité optimale, privilégiez les feuilles partiellement séchées et légèrement fragmentées, qui se mélangeront plus facilement aux tontes.
Le broyat de branches ou BRF (Bois Raméal Fragmenté) représente une autre option de choix, particulièrement intéressante pour sa durabilité structurelle. Avec un rapport C/N élevé (entre 100:1 et 500:1 selon l’essence et la taille des branches), il équilibre parfaitement l’excès d’azote des tontes tout en créant des poches d’air durables dans le compost. Un broyat de petite taille (moins de 1 cm de diamètre) se décomposera plus rapidement qu’un broyat grossier, mais offrira moins de structure à long terme.
Pour une décomposition optimale, le broyat doit provenir idéalement de branches jeunes (moins de 7 cm de diamètre) et être utilisé rapidement après broyage pour profiter des sucres et des nutriments encore présents dans le bois frais. Les résineux (pin, sapin, épicéa) peuvent être utilisés mais en quantité limitée car ils contiennent des substances qui ralentissent la décomposition.
Cartons non traités et papiers
Les cartons non traités et les papiers ordinaires constituent une source de carbone facilement accessible et particulièrement efficace pour équilibrer les tontes de gazon en rouleau. Avec un rapport C/N d’environ 350:1 pour le carton et 175:1 pour le papier journal, ces matériaux apportent une grande quantité de carbone tout en absorbant l’excès d’humidité des tontes fraîches.
Pour une utilisation optimale, déchirez le carton en morceaux de 5 à 10 cm de côté après avoir retiré les rubans adhésifs et les agrafes. Le carton ondulé est particulièrement intéressant car sa structure crée naturellement des espaces d’aération dans le compost. Quant au papier journal, il peut être froissé en boules ou déchiré en bandelettes pour éviter qu’il ne forme des couches imperméables à l’air.
Il est préférable d’éviter les papiers glacés, les cartons avec des revêtements plastifiés ou les papiers fortement colorés qui peuvent contenir des métaux lourds ou des substances synthétiques indésirables. Le papier d’impression ordinaire, le papier journal (avec encres à base d’huile végétale utilisées aujourd’hui) et les cartons bruts d’emballage sont les plus appropriés pour le compostage.
La stratification en couches minces dans le composteur
La stratification en couches minces est une technique fondamentale pour réussir le compostage des tontes de gazon en rouleau. Cette méthode consiste à alterner des couches de tontes d’environ 5 cm d’épaisseur avec des couches de matériaux structurants et carbonés. Cette approche méthodique permet d’éviter la formation de masses compactes et favorise une décomposition homogène.
Pour une stratification efficace, commencez par une couche de matériaux grossiers au fond du composteur pour assurer un bon drainage. Ajoutez ensuite alternativement une fine couche de tonte préséchée et une couche plus épaisse de matières carbonées. L’épaisseur totale de chaque « étage » ne devrait pas dépasser 15 cm pour maintenir une bonne circulation d’air.
Cette technique de stratification présente plusieurs avantages : elle facilite la répartition de l’humidité, permet une meilleure colonisation par les micro-organismes et limite les risques de tassement. De plus, elle simplifie le suivi visuel du processus de compostage, permettant d’identifier rapidement d’éventuels problèmes.
Le retournement régulier pour une décomposition optimale
Le retournement du compost est une opération cruciale pour maintenir des conditions aérobies favorables à la décomposition des tontes de gazon. Un retournement tous les 15 à 21 jours est recommandé pendant les premiers mois du processus, particulièrement lorsque le volume de tontes est important. Cette fréquence peut être ajustée en fonction de la température du tas et des observations visuelles.
Lors du retournement, veillez à bien mélanger les différentes couches pour homogénéiser l’humidité et réintroduire de l’oxygène dans le tas. Les matériaux du centre, généralement plus décomposés, doivent être déplacés vers l’extérieur, tandis que ceux de la périphérie sont ramenés vers le centre où l’activité microbienne est la plus intense.
Un retournement efficace permet de maintenir une température optimale entre 45°C et 65°C au cœur du tas, nécessaire pour une décomposition rapide et l’élimination des graines d’adventices.
Alternatives au compostage traditionnel pour les tontes de gazon
Le mulching représente une alternative écologique au compostage traditionnel des tontes de gazon en rouleau. Cette technique consiste à laisser les brins d’herbe finement coupés se déposer directement sur la pelouse. Pour être efficace, le mulching nécessite des tontes plus fréquentes mais moins sévères, ne retirant pas plus d’un tiers de la hauteur du gazon en rouleau à chaque passage.
Les avantages du mulching sont nombreux : il permet de restituer directement les nutriments au sol, maintient l’humidité de la pelouse, et réduit considérablement le temps consacré à la gestion des déchets de tonte. De plus, cette pratique contribue à renforcer naturellement la résistance du gazon aux maladies et aux stress environnementaux.